Le ciel est par dessus le toit, si bleu, si calme
- Projet de contes à l'hôpital -
Un projet de la Compagnie L'Oiseau Lyre financé par l' Association Petits Princes
mis en place grâce à l’énergie des éducatrices de tous les services de pédiatrie du Chu de Montpellier
mis en place grâce à l’énergie des éducatrices de tous les services de pédiatrie du Chu de Montpellier
Depuis 2014, la Cie L'oiseau lyre intervient au sein de différents services pédiatriques du CHU de Montpellier. C'est chaque fois l'occasion offerte aux enfants de s'envoler de leur lit d'hôpital et de partager avec leur famille un moment dédié à l'imaginaire, au rire, à la parole poétique et musicale. Conter à l'hôpital, c'est aussi mettre en place des moments de partages simples mais profonds pour remédier à l'isolement et apaiser la vie intérieure des enfants, souvent ébranlée par leur passage à l’hôpital, ainsi que celle de leur entourage familial. En s'appuyant sur une palette variée de contes, mythes et devinettes, la conteuse intervient auprès d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes. Quelques mots de témoignage par Clélia Tavoillot |
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Juillet 2024
"Je rencontre des enfants et adolescents à l'hôpital public de Montpellier, dans l'espace intime de la chambre où ils acceptent de me recevoir. J'y entre les mains vides mais joyeuse de cette envie de partager ce qui nous unit : la parole. Légère comme un oiseau, ma parole se déploie autour du large panel qu'offre la littérature orale : contes, légendes, mythes, randonnées, devinettes. Des versions inconnues de grands classiques qui amènent une comparaison, un pas de côté. Tiens, dans cette version tunisienne de la chèvre et des chevreaux, c'est une ogresse et non un loup qui tentent de les dévorer. Une ogresse ? C'est le féminin de l'ogre. Il n'y a pas que les doctoresses qui y ont droit... Un ou deux premiers contes permettent de la délier, cette parole, et puis souvent, l'enfant s'en empare. Parfois il m'en raconte une, d'histoire, ou bien ensemble, il nous arrive d'en inventer avec son univers à lui ou à elle : doudou, animal de compagnie ou que sais-je. J'entends encore les rires de la petite Rime, 6ans, lorsque nous imaginions que Pikachu s'accrochait à l'hélicoptère de l'hôpital pour s'élever jusqu'à sa fenêtre au quatrième étage et lui adresser de dernières recommandations avant de partir à l'aventure. Je me rappelle aussi très bien d'Antonia, cette fillette du haut de ses quatre ans et de sa voix mûre, me demandant fermement de m'assoir en face d'elle pour lui raconter l'histoire de la reine des neiges. Elle s'est accommodée d'une version estivale, où Elsa s'en allait surfer à Tahiti. Me revient encore ce moment où Yanis, 7ans, empêché de parler par son traitement, me montrait les chevaliers de son château fort dont j'allais conter la bravoure face aux terribles ninjas rouges. Les contes ont traversé les âges et les temps, les fronts, les guerres et les frontières. Ils portent la vie et la chantent. Dernièrement, j'ai raconté à une demoiselle un conte transmis par Henri Gougaud, l'histoire tibétaine de cette princesse qui ne parle ni rit plus à cause de la cruauté des hommes. Heureusement, un garçon, en réveillant d'antiques mémoires communes, la ramène à la parole, la ramène à la vie. Il se trouve que la jeune fille à qui j'ai raconté cette histoire et dont j'ignorais les raisons de son hospitalisation, avait d'un coup perdu l'usage de la parole, à cause d'un œdème au cerveau. Elle se réappropriait doucement le parfum des mots et je crois que celui de cette histoire l'a profondément touchée." |
Avril 2024
" De chambre en chambre, je raconte au chevet d'enfants et d'adolescents hospitalisés. En visiteuse éphémère, je glane quelques scènes qui me touchent dans cet univers très féminin. Je pense à cette dame qui fait de la poussière son affaire et veille à ce qu'aucun microbe ne rentre dans son service de soins intensifs, elle qui connaît les enfants, s'inquiète de leur état et discute avec leurs parents... Je pense à cette éducatrice, qui jongle entre ses deux services d'oncologie, son petit carnet en main où elle note les arrivées et les départs, les souhaits des enfants en matière de jeux, de livres... Je me rappelle de cette mère tunisienne et de sa fille qui ne parlait pas français et à qui j'ai raconté la version kabyle de Raiponce, Loundja. J'entends encore cette belle langue arabe rouler dans la gorge de la mère qui traduisait et de sa fille qui commentait. Je pense également à cette autre mère dont le tout petit était totalement accro à son téléphone au point que la promesse d'une histoire ne l'intéressait pas. Mais aussi à ce père d'un jeune, très adolescent, qui m'a demandé de lui raconter à lui une histoire puisque son fils n'en voulait pas. Je pense enfin à cette fillette, seule, qui avec ses grands yeux me demandait de prendre la clef des champs parmi les galinettes, les grand-mères et les loups..." |
Novembre 2022
"Je continue mes tournées au CHU. Comme la postière aux lettres colorées, en ouvrant la porte de la chambre, j'essaye d'apporter un rayon de soleil dans le quotidien médicalisé de l'enfant. Je ne suis pas la seule, il y a aussi un éducateur sportif qui propose du basket, du tir à l'arbalète dans les couloirs des services (oui oui...). Ou encore une socio-esthéticienne dont je peux lire le passage sur les bras tatoués et pailletés des enfants. Maintenant je déambule avec aisance dans le dédale des services et pôles du CHU de Montpellier. Je revois certains enfants en longue hospitalisation. La maladie leur vole une part d'innocence. Alors, l'instant d'un moment, aussi court soit-il, ensemble nous partons. Loin. Plus de lit, de machine, de tuyaux, ni de murs d'hôpital. Juste une parole magique qui transporte vers l'ailleurs. Vers la maison des quatre vents. Là où la ruse et la sottise se tiennent par la main. Là où le plus petit fait la nique au géant. Parmi les fleurs de Boucle d'Or. Dans cet endroit où on colle les fesses de la mort aux branches d'un pommier... " |
MAI 2022
"A l’hôpital, je me glisse de chambre en chambre et raconte des histoires aux enfants qui veulent bien les écouter. Dès les premiers pas, je saisis tout au vol : un prénom, un regard, un accent, un dessin. Chaque parcelle de l’autre nourrit la rencontre, aussi courte soit-elle. S'il arrive que des enfants soient volubiles et rieurs, souvent ils parlent peu, certains même ferment les yeux. Le corps est malade, alité. Je m’adresse à l’âme. Il se passe quelque chose de l’ordre de l’indicible. Une respiration qui se calme. Une parole qui se délie. Un sourire. Aujourd’hui j’ai rencontré des enfants et jeunes adultes de 2 à 24 ans. Un grand écart bien connu des conteurs... Je leur ai raconté de la mythologie et des contes grecs, des contes d’animaux, des contes merveilleux. Parfois l’histoire jaillit d’elle même et trouve un écho particulier. Comme cet enfant d’origine espagnole à qui je racontais le duel entre Athéna et Poséïdon, entre la sagesse et la fougue, entre l’olivier et le cheval. Après, son père m’a appris avoir planté des oliviers à la naissance de son fils... Ou bien cette fille « bloquée dans son corps », qui ne communique qu’en clignant des yeux. Elle a suivi l’histoire de Loundja, la fille de l’ogresse prisonnière d’une tour (version kabyle de Raiponce). La mère de cette fille m’a dit ensuite lui avoir conté ce récit à plusieurs reprises. Peut être avait-elle envie à nouveau d’entendre le galop du cheval qui emporte Loundja loin de sa geôle…" |
Lire aussi :
Un article du journal Midi Libre sur le projet "Contes à l'hôpital"
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